Récit de Thomas GAUDY, transmis par Michel Bidaud.
J'espère que vous avez quelques minutes devant vous
> 1er septembre 2008. Les conditions ne s’annoncent pas trop mal. Il > a
> plu la veille, mais le soleil a refait son apparition et forme plein
> de jolis petits cumulus. Il faudra cependant rester méfiant, la masse
> d’air est très humide, ça ne pompera peut-être pas du tonnerre…
> Aujourd’hui je volerai sur le Sierra Novembre, le meilleur Pégase de
> la flotte. Je l’ai réservé depuis la veille, histoire de tester si les
> réparations effectuées la veille sont fiables… En fait on a retendu le
> mécanisme de trappe de train, parce qu’une de celles-ci ne fermait
> plus correctement, et on a polishé la verrière… On a donc du regagner
> quelques points de finesse, et surtout une visi fabuleuse au travers
> de la verrière !
> Quelques planeurs, dont le Janus, sont déjà en vol. Un vent du nord
> bien établi balaie la pente, le remorquage ne sera donc pas bien long
> (notre treuil électrique étant momentanément en panne, on a ressorti
> le Rallouze…). Prévol effectuée (dans le sens horaire pour moi, mais
> ça n’a pas d’importance…), je m’installe dans la machine, colle le PDA
> sur la verrière et lance SeeYou. C’est toujours sympa de garder des
> traces de ses vols. Je suis le prochain au départ. Câble tendu, AF
> rentrés, mise en puissance et c’est parti. Première constatation, la
> masse d’air est effectivement très humide, la visi étant assez
> limitée… 180° du remorqueur pour me ramener sur la pente, et à 250
> m/sol je me libère de sa contrainte. Ah zut, on dirait que la pente ne
> donne pas… Aurais-je étais optimiste ? En fait il semble que les
> nombreux thermiques arrivants sur le relief perturbent l’effet de
> pente. Pas bien grave, je longe le relief jusqu’au prochain thermique,
> et j’enroule. Et me voilà en spirale sous le Janus. Le thermique est
> plutôt bon. +2 intégré, pas de quoi se plaindre. Alors je m’applique,
> c’est important, c’est l’instructeur qui l’a dit. Et s’il faut il est
> dans un des ASK-13 qui tournent dans le coin. Assiette et inclinaison
> stables, le moins de mouvements possible sur les commandes. Chaque
> mouvement, c’est de la trainée, donc des mètres d’altitude en moins,
> donc des kilomètres de distance en moins… C’est l’instructeur qui l’a
> dit. Pour le moment c’est un peu laborieux. Le thermodynamique n’est
> pas facile. Instable, irrégulier et imprévisible, il est difficile à
> dompter. Mais j’arrive presqu’au plafond, à 1600 mètres QNH. Ce n’est
> pas bien haut, mais on s’en contentera. Au plafond les pompes sont
> plus faciles, le relief les embête moins…
> Bon il va falloir repasser en mode vélivole du coup. C’est bien beau
> de monter, mais ce n’est pas très utile. Le plafond est trop bas pour
> aller sur les reliefs, donc cap au nord pour un petit tour sur la
> plaine. On commence par essayer tous les cumu lus. Je n’ai perdu qu’une
> vingtaine de mètres quand le vario saute à nouveau de joie ! Toujours
> +2, j’ai tout juste le temps de faire un tour dedans que je suis au
> nuage. J’avance au cumulus suivant, et même scénario ! Bon il
> semblerait que chaque cumulus ait sa pompe. Alors on avance. J’irai
> bien voir Fred à la Montagne Noire tiens ! Histoire de revoir son
> superbe terrain de jeu en attendant le prochain week-end SWAF. Pour
> aller à la Montagne, le passage obligé c’est « chez Gaby ». Un ami
> vélivole du club qui a « tondu » sa propre piste dans son « jardin ».
> 700 mètres entretenus et l’apéro pas loin… Une vache de rêve ! Un coup
> d’œil à SeeYou : 15 bornes du terrain d’origine, 15 de « chez Gaby »,
> 1600 mètres QNH, donc environ 1200 QFE. C’est bon, je suis en local
> partout. Alors j’avance. J’ai maintenant perdu presque 300 mètres
> depuis le terrain. La prochaine je la prends. J’avance au prochain
> cumulus, la pompe est entre le soleil et le vent. Poum ! Nouveau saut
> du vario, pile dedans. Je jette tout à gauche en tirant pour casser la
> vitesse. +2 stabilisé. Finalement cE2est facile le vol à voile. Mais je
> m’applique quand même dans la pompe, c’est important, c’est
> l’instructeur qui l’a dit.
> Et me revoilà au plafond. J’avance à nouveau. C’est vraimentle vol à
> deux vitesses que décrit Bernard Chabbert. 85 km/h dans la pompe, 160
> km/h entre deux. Bon SeeYou dit que je devrais voir le terrain de Gaby
> maintenant. Mais je ne le vois pas. Pourtant je sais qu’il est juste
> au sud-ouest de cette forêt là ! Ah ça y est ! Forcément, une piste
> marron dans un champ marron, ce n’est pas évident à trouver. Je suis
> donc à mi-chemin entre mon terrain et la Montagne Noire. Facile le vol
> à voile…
> C’est à ce moment que je me rends compte que j’ai fait le c** !
> Evidemment c’était un vol tranquille pour tester le planeur. Donc je
> n’ai pas les cartes, mais seulement le GPS. Et bien sûr je n’ai pas
> importé les zones sous SeeYou… Or le terrain de Gaby est juste au sud
> de la zone de Carcassonne, à l’endroit où elle recouvre le terrain de
> Castelnaudary ! Sal***rie de Ryanair qui font gonfler les classe D !!
> Reste plus qu’à ap peler le Chef Pi pour savoir comment je fais…
>
> « - JJ tu reçois ? Je suis verticale Chez Gaby, 1600, mais j’ai fais
> le c**, j’ai pas la carte. Il y a un moyen fiable de contourner la
> zone sur Castel ?
> - Espèce d’idiot ! Tu vas pas au nord sans carte. Si tu veux te
> balader tu n’as qu’à aller sur Pamiers !
> - Ok, bien reçu, je vais pas au nord, je tourne vers Pamiers. »
>
> Engueulo de rigueur, mais je l’ai cherché… Demi-tour et direction
> Pamiers. On demande quand même la fréquence.
>
> « - du Sierra Novembre, quelqu’un peut me donner la fréquence de
> Pamiers ?
> - 118.17, et pas de verticale, il y a des paras !
> - bien reçu, 118.17 et pas de verticale. »
>
> Bon ben il n’y plus qu’a maintenant. Cap au sud-ouest, SeeYou dit que
> je suis déjà local de Pamiers. Donc pas d’inquiétude, j’avance sous
> les cumulus, en enroulant de temps en temps. Facile le vol à voile je
> vous dis. Re coup d’œil sur SeeYou. 10 bornes de LFDJ. On devrait voir
> le terrain. Ah ben oui, la superbe piste en dur se repère20bien, elle.
> Changement de fréquence.
>
> « - Pamiers du Sierra Novembre bonjour !
> - Sierra Novembre bonjours !
> - Fox Charlie Golf Sierra Novembre, un planeur de Puivert à 10 km
> au nord de vos installations, environ 4500 pieds en évolution dans la
> zone. J’ai bien l’info de largage, donc pas de verticale.
> - Bien reçu Sierra Novembre. »
>
> Et 30 secondes plus tard :
>
> « - Fox Machin Chose, verticale terrain au niveau 125 à 30 secondes
> du largage.
> - Fox Machin Chose, largage… top ! »
>
> Il y a donc un Pil qui fait l’ascenseur dans le coin. 2 minutes plus
> tard :
>
> « - Fox Machin Chose, courte finale sur la 27. »
>
> Oups ! Ah oui quand même ! Le Pil sera donc assimilé à un gros
> caillou tombant du ciel comme une météorite ! On va passer
> llooooiiinnnn de la verticale… Je contourne donc le terrain par l’est,
> puis par le sud. C’est à cet endroit que je recroise le Janus, avec un
> équipage Air France père et fils à bord. C’est amusant de se croiser
> si loin du terrain d’orig ine, sans s’être suivi.
> Me voilà donc au sud de Pamiers. Un jour normal, j’aurai
> décidé de terminer le triangle en rentrant sur Puivert. Mais
> aujourd’hui j’ai une impression de facilité inhabituelle. Toutes les
> pompes sont identiques, toutes au même endroit par rapport au nuage,
> toutes de la même puissance. On se croirait dans un simu de vol à
> voile. On se croirait sous Condor. Alors je décide de prolonger vers
> l’ouest, vers Saint Girons. Je connais moins ce secteur là, ça sera
> l’occasion de le découvrir. Petite bidouille sous SeeYou, mais
> impossible d’avoir des données sur le terrain de Saint Giron ! Ce
> n’est pas bien grave, la nav est facile : plein ouest en suivant le
> relief. Je continue donc à avancer en jetant de temps à autre un coup
> d’œil au GPS. Mais pourquoi ne veut-il pas m’afficher Saint Giron ! Je
> suis finalement dépité de ma con**rie… En découpant la carte sur le PC
> à la maison, j’ai coupé entre la ville de Saint Giron et le terrain…
> Lamentable ! Pendant ces manips, je me suis rapproché du relief, et
> les pompes semblent moins généreuses. Décision est donc prise de faire
> demi-tour, et de rentrer à la maison en passant par la plaine.
> On vise le prochain cumulus, entre le soleil et le vent, le
> vario frémit, je tire et j’incline. Rien. En fait si, du 0. Bizarre.
> Fallait bien qu’il y en ait un qui marche pas. On avance au suivant.
> Toujours rien. C’est quoi ce basard ? Bon on se re concentre, et on se
> re applique. C’est important, c’est l’instructeur qui l’a dit. Là bas,
> en face, une jolie colline au soleil avec un cumulus en formation
> au-dessus. Ca va le faire. Ca pousse sous les fesses, vario positif,
> on jette tout au vent. +1m/s. Pas brillant mais on est limite local de
> Pamiers, donc on va pas faire la fine bouche. Alors on s’applique,
> chaque mètre est important, chaque mouvement des commandes c’est des
> mètres en moins, donc des kilomètres en moins. C’est important,
> maintenant je le sais. C’est à ce moment qu’un message radio fini de
> m’enfoncer dans le doute.
>
> « - Puivert du Bravo Tango (le Janus), on est en mauvaise posture du
> côté de Foix, mais on a un beau champ vachable. On rappelle pour
> l’évolution. »
>
> Ou ps ! Je Janus est plus près du terrain et en plus mauvaise posture
> que moi ! Je ne suis pas près de rentrer… Le message du Chef ne se
> fait pas attendre…
>
> « - Bien reçu Bravo Tango, Sierra Novembre tu en es où de ton côté ?
> - Heu ben c’est pas la joie non plus, mais je garde le local
> Pamiers. Je rappelle aussi pour l’évolution. »
>
> Entre temps mon +1 s’est transformé en 0. C’est pas bon, pas bon du
> tout. Je souffle un peu parce que j’ai quand même repris 1200 mètres à
> l’alti, donc le local Pamiers est assuré. Je reviens en vue du
> terrain. Le calcul mental pour le local c’est bien, mais les yeux
> c’est quand même plus rassurant. Je transite à nouveau au sud du
> terrain, en restant au-dessus des collines et de leurs cumulus
> associés. Mais il n’y a plus rien ! J’arrive tout juste à accrocher du
> 0.5 m/s sur quelques tours. Qu’est-ce qu’il se passe ?! Elles sont où
> les pompes à +2 qui inondaient le ciel il y a quelques minutes ?? Les
> cumulus se font plus rares. C’est pas bon pas bon du tout ! Je
> m’applique tout ce que je peux. C9 9est important, maintenant je le
> sais, quoi qu’en dise l’instructeur. Je transpire de concentration.
> Toucher le moins possible aux commandes. Tourner régulier. Ne pas
> secouer la machine. La concentration est telle, qu’il n’y a plus une
> machine et son pilote, il n’y a qu’une entité volante. Je n’ai plus
> les mains et les pieds sur les commandes, je suis les commandes. Une
> demi-heure de combat plus tard, je m’avoue vaincu. Je suis à plus de
> 30 bornes du terrain et moins de 1000 mètres QNH. Je ne rentrerai pas
> cette fois. Une chose me console : le Janus a dû finir au tas lui
> aussi, je ne serai pas le seul à ne pas rentrer… Maigre consolation,
> qui s’envole très vite…
>
> « - Bravo Tango, de retour dans le local Puivert. »
>
> L’équipage Air France a donc réussi à se tirer de ce mauvais pas. Moi
> je suis fatigué de me battre, c’est tellement facile de renoncer quand
> on a une bande en dur où le remorqueur peut venir nous chercher, sans
> avoir à démonter le planeur…
>
> « - Le Sierra Novembre va se poser à Pamiers, je rappelle au sol. »
>
> Chang ement de fréquence.
>
> « - Pamiers re bonjour du Sierra Novembre.
> - …
> - Pamiers du Sierra Novembre ?
> - … »
>
> On repasse sur la fréquence de Puivert.
>
> « - Du Sierra Novembre, c’est normal que je n’ai pas de réponse de
> Pamiers ?
> - Affirm, c’est un AFIS et il a du fermer.
> - Ok merci, je passe en auto-info alors. »
>